Récit du 22 juillet, le Havre


Le 22 juillet 2002

L’art de pratiquer le vol libre en portant son aile au lieu de se faire porter par elle…

M’étant désisté de la sortie à Yesa, d’abord pour assister à une cérémonie d’adieu en Angleterre suite au décès d’un très bon ami, et ensuite pour éviter de me cogner au moins 2000 bornes AR pour trois ou quatre jours de vol, et encore en partie sous la pluie (il a plu ce we sur les Pyrénées espagnoles), j’ai tenté de rattraper cette fabuleuse semaine :
1) à voler sur un site magnifique
2) à contempler les rondeurs pulmonaires de la serveuse du bar en face du gîte (n’est ce pas Michel !)

Pour la deuxième option, ma copine remplit parfaitement son rôle, et en plus je peux toucher ! (et ainsi j’ai pu guérir toutes mes verrues, n’est ce pas Xavier !).

Pour la première option, cela s’est passé en deux temps :
- vendredi, 15 mn de vol, en deux vols, à Bar/Aube (et deux heures de marche au total pour remonter).
- hier dimanche, vent NO faible à modéré en Normandie -> je file à Octeville (3H30 par la nationale !).

Vent 20 à 25 km/h au décollage, un beau soleil, c’est bien, et je décolle pour la première fois de ce site étonnant. Pour les impressions, voir la belle prose de Michel M. du 28 juin dernier, c’est pareil. Cela dit, je suis parti avec un plan de vol passablement erroné, et pour le moins horriblement cartésien. Je me suis dit qu’un vent régulier du NO doit le rester sur toute la longueur de la côte, entre le Havre et Antifer. Donc inutile de faire du sur-place entre les parapentes, il faut bouger, et je me suis mis en tête de faire le maximum de distance (au moins deux AR pour la CFD). Première manche, tout va bien, départ au niveau de la limite de l’aérodrome, quelques cumulus, prise de hauteur max à 192 m par rapport au déco, mais aussi quelques dégueulantes, premier virage au port d’Antifer et non au cap. Deuxième manche, rebelotte. Et puis soudain, le vent a chuté. J’arrivais à nouveau près du port d’Antifer. La côte n’étant pas du tout homogène, il devenait urgent de trouver un endroit avec un meilleur rendement. Demi-tour illico. Je passe sous le niveau de la crête, et j’espère retrouver une pompe au niveau des grands éboulements. Des clous. Je commence à ratiboiser dangereusement la falaise, en direction de l’épave, loin, loin, là où j’ai garé la titine. Et je dois hélas me poser sur la plage, à quelques mètres l’eau, dernier virage au raz des cailloux. Un parapente solidaire est venu se mettre au même niveau, comme quoi atterrir n’était pas de la mauvaise volonté de notre part.

Deuxième partie : la "traversée du désert"… Je vous assure que la balade sur le sable et les galets, avec un delta en guise de parasol, est tout simplement exquise. Et passablement longue… Repliage du matériel sur une surface de galets bien sèche et un peu plus (+) loin. Et me voilà parti tel une fourmi avec mon gros bazar sur les épaules, essayant de me convaincre que la toute petite épave au loin finirait bien par grossir rapidement. Mais sous la falaise, c’est un trou à rat. Aucune sortie ! Il est bien loin, le funiculaire de Saint Hilaire. Et les parapentes me "narguaient" à nouveau, faisant fi de devoir raser la falaise pour rester en l’air. Très vite, mes épaules et mon dos ont manifesté leur désapprobation quant à la poursuite des opérations. Je devais trouver une sortie. Le chemin tant désiré a fini par arriver, comme une bénédiction du ciel. Rassemblant mes dernières forces, je me suis préparé pour le dernier sprint (le transport de l’aile sur le dos est paradoxalement plus confortable en montée que sur des galets), et je me suis enfilé d’une traite… non Michel, pas la serveuse du bar à la poitrine bouleversante, mais les 100 m de dénivelé qu’il me restait à parcourir avant de pouvoir ENFIN poser mon aile. Les gens qui m’ont vu arriver ont eu presque pitié, et j’ai eu droit à un lift pour retourner auprès de mon carrosse. Plus tard, collation bien méritée dans l’herbe près du bord de la falaise, soleil couchant, brise légère… Pour la CFD, je m’accorde 37 km. Mais si on a le droit de prendre en compte le portage manuel, jusqu’à la ligne d’arrivée, cela fait tout de même un peu plus ! Je n’ai jamais porté mon aile aussi longtemps, il y a un début à tout. Je dois être ex æquo avec Gaël.
Retour au bercail en 4H30, dans la nuit, épuisé, mais heureux !

Fredéric LEVY