Récit du 15 août 2002, les Ardennes


Les aventures rocambolesques continuent, parfois accompagnées d’une belle connerie…

Encore un vol du mois truculent.

Jeudi 15 août, je suis parti découvrir le pays des Ardennes, vu d’en haut autant que possible. Une belle journée, ciel complètement dégagé, vent faible secteur E à NE. Voulant voir autre chose que Bar / Aube, j’arrive en fin d’après-midi sur les hauteurs de Haulmé, charmant petit village au bord de la Semoy, dans les gorges du même nom, au nord est de Charleville-Mézière. Vue splendide, 180 m de dénivelé, au loin la forêt recouvre toutes les collines, et en plus après le vol on peut imiter tout plein de gens qui se baignent dans la rivière. Voilà pour le cadre, qui vaut bien le détour (hélas Michel, je n’ai pas eu l’occasion de croiser de beaux mamelons, fiers et hauts perchés).

Le site en lui-même est spacieux et dégagé, du moins le pensais-je. Deux Belges sont venus tâter le terrain avec leur parapente, tandis que des promeneurs nous observaient (on est rarement seul sur un site, surtout par beau temps et un jour férié). Le premier Belge gonfle sa voile sur l’aire horizontale, décolle et fait son plouf à côté de la rivière. Le second tente de l’imiter, mais sa voile a envie de se promener dans les arbres lors du gonflage. Un petit coup de main pour le dégager, et je me mets en piste en haut de la pente. Tout semble correct, je m’élance, et soudain c’est la cata à toute vitesse : mon aile percute le haut des arbres, j’entends des craquements, je me trouve propulsé dans le vide, un cri d’effroi, et tout s’arrête, perché dans mon harnais sans pouvoir toucher ni le sol ni la paroi. Eh merde, je suis dans de beaux draps, qu’est ce que j’ai foutu, que s’est il passé ?! Ça va, je peux encore bouger, pas de douleurs, contrairement à ma première visite dans les arbres avec Denis il y a trois ans. Et mon aile ? Bon, elle a l’air encore entière. J’ai naturellement passé un bon bout de temps à me dégager, et comme la nature est bien faite, il y avait tout plein de ronces au comité d’accueil. Je me suis retrouvé avec une mosaïque d’épines dans les mains, et partout ailleurs où elles pouvaient se loger… Et puis aussi, pas besoin de henné pour me maquiller, si tant est que l’idée m’eût effleuré l’esprit : pour les traits rouges ailleurs que sur les mains, j’ai hérité d’une jolie petite balafre sur le visage, à l’endroit où il n’y a pas de visière sur le casque… Heureusement que les protubérances nasales et sourcilières ont protégé les yeux. Terre, sueur, ronces, glissades, j’en ai bouffé pour dégager mon aile et tenter de la replier. Le vario indiquait –12 mètres, j’ai donc fait le vol le plus court de ma vie, hormis les pentes écoles ! C’est peu, mais j’étais quand même bien enterré. L’aile reposait verticalement entre les branches, la quille plantée sur un bout de rocher qui dépassait, et qui empêchait l’aile de dégringoler cinq mètres plus bas… Enfin les gens m’ont retrouvé, dont les deux Belges, et parmi tout ce beau monde, quelqu’un nous a prêté une énorme corde de huit mètres de long. Un coup de bol. Une fois l’aile repliée tant bien que mal, la remontée fut du gâteau. Entre temps, le nombre de promeneurs avait doublé, ils en ont eu pour leur déplacement. Après le relâchement, vint l’heure de l’analyse. Je n’ai pas remis en cause ma manière de décoller. J’avais volé la veille à Bar / Aube (1160 m de gain), l’avant veille à la Côte des Deux Amants par vent très faible, et je m’entraîne relativement régulièrement en biplace avec passagers sur la pente école de Bondoufle. Donc je ne pense pas avoir effectué ma course (pas pu aller au-delà) avec une incidence cabreuse. Alors quoi ? Tout bêtement que le site était impraticable pour les deltas (sauf avec un vent de 20 km/h) , car les premiers arbustes dans la pente étaient trop hauts (je m’en suis vraiment rendu compte en remontant), et que l’entretien était négligé. L’idée m’a naturellement traversé la tête en observant le site avant de déplier, mais habitué à fréquenter des sites dégagés, je n’avais pas une conscience aussi aiguë avant qu’après, de la place réelle nécessaire pour qu’un delta puisse décoller, surtout quand le vent est très faible, et du danger de décoller en delta de cet endroit. Comment ce jugement, que n’importe quel pilote digne de ce nom réalise, a-t-il pu m’échapper ?! Ma foi, l’enthousiasme de voler, la beauté du site, les kilomètres parcourus (220 depuis Meaux, 300 depuis Orsay, et par la nationale quand l’autoroute était payante !), le premier parapente qui décolle sans problème, et surtout une confiance excessive dans la qualité d’un site réputé mixte via les infos de la FFVL : la hauteur des arbustes en haut de la pente me paraissait étrange, mais je me suis dit que cela devait passer, puisque le site est sensé être entretenu. Quelle connerie ! Dorénavant, il faut inclure dans la visite prévol, la qualité réelle du site. C’est idiot tellement c’est évident ! Mais bon, parfois, il faut remettre les pendules à l’heure. Dans mon malheur, j’ai quand même eu de la chance, car les dégâts matériels sont minimes (quelques lattes et un montant légèrement tordus, que j’ai redressés le lendemain), ainsi qu’une tempête de fourmis en vol nuptial qui me sont tombées dessus en début de soirée, toujours au même endroit (c’est horrible). J’avais pensé très fort à communiquer ma colère et mon amertume au club de la région ainsi qu’à la FFVL, quant à la négligence de l’entretien du site. Je viens de loin en toute confiance avec mon aile, je n’ai pas l’intention d’amener aussi mon sécateur ou ma tronçonneuse. Malgré leur nombre peut-être dérisoire par rapport aux parapentistes, si les deltistes paient une cotisation à la FFVL, c’est aussi pour trouver des sites qui leurs sont ouverts en bon état. Sinon, autant s’assurer au Vieux Campeur, et c’est encore un point en moins pour la pratique du delta. Cela dit, il se trouve que les textes sont envoyés par email deux semaines après les avoir tapés, ce qui m’a donné le temps de m’apaiser. Lors d’une conversation avec le sieur François, celui-ci m’a fait remarquer à juste titre que l’entretien d’un site n’est pas à la charge de la FFVL mais au club local, et encore suivant le bon vouloir des personnes qui font le boulot, et que les cotisations interviennent seulement pour l’achat ou la location des terrains. Heureusement, donc, que la version originale de l’email que je destinais à la FFVL est restée bien sagement dans sa boite. Je l’ai remplacée par une version plus douce et plus diplomatique, car il est quand même important de signaler le problème.

Enfin, le soir du même jour, pour me changer les idées, je suis allé visiter d’autres sites de la région, et réputés excellents pour les parapentes. Tout d’abord Longue Roche, qui surplombe Monthermé à bien 300 m, orienté sud et alimenté systématiquement par la vallée. La vue est splendide, tant qu’il faisait encore jour, mais l’atterro est invisible. Puis Fumay, sur la Meuse, orienté O-NO, 250 m de dénivelé, qui donne aussi très bien en fin d’après midi. Ces deux sites sont fantastiques et parfaitement accessibles aux deltas, dans un rayon de 300 bornes autour de Paris. Le seul gros problème est la longueur du portage, qui monte et qui n’en finit pas. A Longue Roche, des bancs sont installés en haut de la montée, bien avant le déco, pour permettre aux promeneurs de se reposer ! A Fumay, il faut un 4*4 ou des porteurs, car le chemin est trop raide et la titine déclare forfait. Je me suis alors concocté une petite rando nocturne dans la forêt, pour voir jusqu’où menait ce p… de chemin et admirer le site by night. Bilan de la journée : de beaux paysages, un retour à Meaux dans la nuit à 4 heures du mat (classique), une aile à démonter, à vérifier et des pièces à changer par principe, le petit séjour à Yesa, que je mijotais avant notre rando dans les Pyrénées, reporté aux calendes grecques, et, cerise sur le gâteau, l’extraction des épines restées coincées dans les mains au cours des jours suivants. C’est cool, l’aventure !

 

Fredéric LEVY