1, 2, 3... 123! (en vrai,
138 !)
le 17 avril 2003
Mes amis, et les autres..
On m’a dit : « en CFD, il faut mettre des images à
ces chiffres et ces lieux que personne ne connaît », et
sans me commander, j’ai bien senti que je pourrais faire plaisir
à enrichir l’imagination d’un internaute égaré
sur cette page.
Voilà donc mon histoire, 4 heures dans ma vie de bonheur bien
senti.
Ce devait être le 18 avril 2003, partis la fleur au fusil avec
Fred BERGEY, l’illustre, nous voulions surfer les thermiques à
la frontière du Nord et du Sud de la Loire que l’on dit
si différents, pour délivrer le Loiret céleste
de ses scissions aérologiques.
Les plus curieux auront noté que nous sommes un jeudi, on s’est
trouvé là, pour une escale, un peu par la force des choses.
Ceux-ce qui écoutaient leur poste le même jour se souviennent
encore de ces mots prononcés aux infos, question température:
« du pas vu depuis 68 ! », ça risquait d’être
torride, forcément ! Et c’est vrai qu’entre nous,
il se passait déjà quelque chose.. Au montage, une véritable
parade de basse cour, à celui qui étarquerait avec le
plus de majesté son plumage, Moyes et Laminar pour convoler..
Est-ce que je vous ai dit qu’en bons Parisiens, nous décollions
à 15h30, dans un ciel absolument bleu ? NE, 15-20km/h au sol,
pas de rafales franches pour être optimiste.
Allez, on y va, 1 m/s ensemble plus un indigène à plume,
donc ça monte.. 1000m QFE, la hauteur de plafond d’un palais
irakien, petite sensation de luxe, mais à peine. On a peur de
rien, on se met en route, et tout de suite le fleuve est traversé,
les pieds au sec, mais évidemment ça dégringole,
et puis encore.. Vous savez comment sont les garçons, au sol,
ils se racontent des épopées où ils se mettent
en scène, Iliade ou Odyssée, ça pouvait pas se
terminer si vite pour que l’honneur soit sauf ! et.. « BIP
», ouf, j’y croyais plus. Mais mon fidèle compagnon,
qui dans son élégant dévouement conjugal ne s’était
pas couché tôt a manqué de concentration et s’en
est allé terminer sa nuit sur terre: 6 km. Je résume :
à partir de maintenant, je suis seul..
Je suis dans l’air comme dans mon bain, je suis bien, alors je
prends mon temps, et je joue les plafonds, même si les varios
ne sont pas follichons à tous les étages. Je vous interromps
dans votre lecture pour vous dire que déjà tout à
l’heure, j’ai repéré au loin un petit quelque
chose qui devrait vous plaire, un petit, pas gros, tout blanc, genre
nuage. Je pense : « je ne me suis pas trompé de chemin
». En effet, les plafonds montent, des nuelles apparaissent, et
je vois des nuages épars sur l’horizon. Derrière
moi, c'est-à-dire au nord de la Loire, une couche d’inversion
très nette. Les scientifiques peuvent commencer à plancher,
je relève les copies à la fin de ce texte.
Bon, je vais pas tout vous raconter puisque ça dure 4 heures,
mais pour faire bref, le delta, c’est terriblement bandant, et
y a pas un vol où je me fais pas cette réflexion la larme
à l’œil d’émotion, quand ce n’est
pas la goutte. J’ai survolé la Sologne, la région
des milles lacs, probablement la maison des 7 nains au beau milieu d’une
forêt. Et puis je vous avoue tout, mon dernier plaf pour lequel
j’ai bien insisté : ..2500m !, barbules, km 85 à
18h45. Et pour finir, plané de chez Fauchon : ¾ d’heure,
straight away. Je me pose à Villedieu sur Indre, il est 19h30,
Km 123, record perso sur le territoire national pulvérisé,
une ribambelle de gamins se forme:
-- « eh, m’sieur, t’es déjà passé
à la télé ? »
-- « euh, ..non !!? »
(déception)
Pas de héros en dehors du tube cathodique ! Consolation, l’apéro
est déjà servi au jardin d’à côté,
et mon Fred serviteur vient me trouver une heure plus tard, Royal !
Nota bene :
Pour être honnête avec moi-même, je n’ai pas
filé droit, et un point de contournement me permet de déclarer
138km !!
Un débriefing pro aurait mis le doigt sur ce savant calcul :18km/h
de dérive, 4heures de vols = 72km tout bénef, i.e. je
n’ai fait qu’un équivalent de vol sans vent de 66km,
à 16.5km/h de moyenne !! avec un vario moyen à 1m/s, pas
de quoi se pavaner !
MTO France s’était encore gourré (c’est si
souvent) en annonçant des plafonds à 1500m,..
A bientôt à tous dans ce ciel où sont nos rêves.
Antoine SARAF |