Sully sur Loire, le 12 juillet 2006

 

Le 12 juillet 2006, je suis allé voler à Sully sur Loire. Laurent Pierre et Jean-Marc Petit étaient aussi présents. Décollage tardif à 15h12 (cela devient une institution). Le vent annoncé était du nord est faible. En fait, j’ai constaté une très faible dérive du nord ouest, avec un à deux huitièmes de cumulus au nord de la Loire et quasiment rien au sud, avec en plus une légère brume. Le plafond s’est élevé de 1400 à 1800 m au cours de l'après midi, puis il est redescendu vers 1400 m à partir de 17h30 environ alors que les forêts restituaient déjà leur chaleur, et c’est d’ailleurs grâce à ce phénomène que j’ai pu rester en l’air.

Pour ma part, j'ai réalisé un très beau vol, en longeant la Loire par le nord, en prenant soin de contourner les deux centrales nucléaires que j’ai croisées. Les paysages étaient magnifiques, insaisissables d'en bas. Les cumulus épars étaient néanmoins juste assez rapprochés pour m'éviter de raccrocher trop bas (j'ai quand même eu droit à un point bas vers 230 m / sol autour de 18h).

Pendant un moment, ce devait être au-dessus de l’aérodrome de Châtillon sur Loire, j’ai rejoint avec enthousiasme une grappe de quelques planeurs avec lesquels je me suis naturellement adonné au jeu de la course dans l’ascendance. Remontant assez rapidement à leur altitude, les deux premiers sont éjectés car ils ne serraient pas assez leur spirale. Je me retrouve avec deux autres à peu près au même niveau, et nous nous plaçons chacun à la pointe d’un triangle équilatéral. Pour gagner encore sur ces deux planeurs, qui doivent voler à une vitesse bien supérieure à la mienne, donc avec un rayon de giration supérieur au mien, je ne me suis pas privé de diminuer encore la taille de ce triangle en serrant une nouvelle fois ma spirale sans perdre en vitesse de montée, et me voilà au-dessus d’eux, mais loin encore de la base du nuage. Un planeur finit par décrocher et je me retrouve seul à batailler avec le dernier, un motoplaneur avec un empennage en T. Je me maintiens au-dessus de lui, et nous volons maintenant suffisamment rapprochés pour pouvoir s’échanger des signes de salut de la main ! Le pilote en face semble coriace et maintient son appareil fermement incliné. Un équilibre est atteint, le delta au-dessus du planeur, et nous continuons ainsi jusqu’à ce je décide de rompre la parade pour reprendre ma route vers le sud est. Le collègue ne semble pas vouloir me suivre dans cette direction, je pense qu’il évite prudemment d’entrer dans la zone d’une centrale en vue, puisque son immatriculation et sa taille le rendent aisément repérable.

Vu d’en haut, tout est plat, sauf les collines boisées qui se dessinent à l’est, et le soleil, dont les rayons commencent à raser la campagne à l’ouest, interdit toute distinction de contrastes et de reliefs. Aussi, lorsque j’aperçois un léger méandre de la Loire vers l’ouest avant de reprendre son cours vers le sud, il ne me vient même pas à l’esprit que juste derrière se trouve la butte de Sancerre. En revanche, le terrain bien pavé de vignes me rappelle que la région du Pouilly doit se trouver sous mes yeux, et me suggère aussi de la traverser au plus vite pour éviter de m’y frotter d’un peu trop près.

L’heure semble venue d’atterrir tandis que je décide me mettre en approche d’un grand champ entouré de bosquets et non loin d’une ferme, quand un courant ascendant venu je ne sais d’où m’enveloppe, et me permet de voir à nouveau la Terre vue du ciel pendant encore un moment. Le vent météo a dû se renforcer car la dérive vers le sud est n’est plus vraiment négligeable et me convient bien pour m’aider à avancer alors que je m’applique à affiner mon pilotage au mieux pour rester dans la pompe.

Dès que celle-ci s’évanouit, je me laisse à nouveau porter par le vent au taux de chute mini, alternant les bosquets avec les lisières de forêts. C’est ainsi que la ville que je guettais se dessine de plus en plus large. L’aérodrome de Nevers me semble bien imposant avec ses grosses installations et je ne crois pas pouvoir y loger mon aile à l’abri des regards indiscrets le temps de la récupe. Même constat si je devais aller me poser au sud de la ville, pour autant que tout se passe bien en la survolant sans devoir atterrir sur la place principale en cas de malheur. Non, je préfère continuer mon chemin discrètement en effectuant le tour par l’est, qui est d’ailleurs bordé de collines forestières. Mais bientôt les bulles exploitables deviennent trop faibles pour me porter, la température de l’atmosphère étant toujours chaude, et l’heure est vraiment venue d’atterrir. Je me pose à 19h08 dans un champ immense d’herbe coupée, abrité des regards de la route par un bout de forêt, et dont l’entrée lointaine me conduit juste devant une belle petite propriété.

La belle maison est vide, c’est dommage pour la bière de l’accueil, mais sachant personne ne m’a vu atterrir, mon aile est donc bien planquée là où je l’ai laissée. Le locataire d’un logement dans une dépendance, qui rentre du boulot et qui est tout surpris de me voir débarquer, m’informe que nous nous trouvons dans la commune de Sauvigny les Bois à 10 km au sud est de Nevers. Il m’abreuve avec son eau du robinet et me laisse même téléphoner à Clotilde. Ensuite, je prends mon baluchon, mon courage et mes galoches, et c’est parti pour un peu de marche dans la douceur d’une fin d’après midi d’été. Personne ne s’arrête sur cette route qui ne voit défiler que des gens trop pressés. Au bout d’une heure, je savoure enfin ma bière chez un routier dont les clients interrogés ne vont évidemment pas dans ma direction. Bien après la sortie du patelin, je réussis à intercepter une brave dame en service qui accepte gentiment de me conduire à l’entrée de l’autoroute 3 km plus loin. Ouf, c’est bon de se reposer même si cela ne dure pas longtemps !

Attente en vain à l’échangeur. Je décide de monter carrément sur la voie rapide, et une camionnette bourrée de bricoles à l’image de son chauffeur s’arrête dans les minutes qui suivent. J’ai de la chance, la personne se rend à Dunkerque pour réparer des aspirateurs industriels, et accepte volontiers de me laisser à la sortie au nord de Briare. Mais nous ferons une halte très importante à la Charité sur Loire, car l’homme est aussi un passionné jusqu’au petit-fils de voitures anciennes en général (il en possède déjà une vingtaine !) et de 2 CV en particulier, et il doit rencontrer ce soir un vendeur de ces précieux véhicules. C’est ainsi que je me retrouve mêlé à un négoce de 2 CV à la lampe de poche vers 22h30 ! Mon chauffeur est ravi, il vient d’en acquérir deux supplémentaires qu’il va retaper lui-même !

De retour à pied sur le bitume, la route est à nouveau longue, les paupières s’alourdissent mais les jambes restent vaillantes ! Et puis l’atmosphère est vraiment douce avec un beau ciel étoilé, ce qui est fort agréable. Au bout d’une bonne heure, j’atteins les lampadaires d’un hameau, et je décide de ne plus bouger, pour qu’on puisse me voir. J’ai à nouveau de la chance, car mon attente est brève et le conducteur rentre chez lui du côté de Châteauneuf. Je rencontre un visage assez ouvert (l’homme doit être animateur ou psychologue ou quelque chose comme ça), ce qui me détend et la conversation s’installe aisément entre nous. Et voilà que mon chauffeur se passionne d’entendre ma façon de parler du vol libre en général et surtout de raconter mon vol du jour, car il est un grand « amoureux » de la Loire, mais il a le vertige ! Il me conduira finalement bien volontiers jusqu’à la base ulm de Saint Benoît.

Deux heures plus tard, je charge mon aile sur le toit de la titine, et après une courte pause dodo en chemin aux aurores, je suis de retour au logis vers 9h, frais comme un gardon pour aller bosser ! Pour tenir compte de la courbure du parcours, j’ai placé un point de contournement à Arquian au nord de Cosne sur Loire, ce qui fait une distance de 125 km, en 4 heures 26 minutes de vol au total (sans vent pour la dérive si ce n’est vers le soir, les temps sont durs !). Ce fut une très belle journée.

Frédéric Lévy